Mohamed VI Commandeur des croyants, Citoyen de progrès

Mohamed Souhaili, Le Roi et la Rose, 1992, p71-72
Une vision prémonitoire des Printemps arabes ? 
 

Une mystérieuse interview datant de 2008 pré-dessinant la réalité politique actuelle du royaume

Le 15 mai 2008 21:57, driss ould el kabla <okdriss@gmail.com> a écrit : 

Salut 
je suis entrain de préparer un dossier sur les défaillances du Roi Mohamed VI
Dans ce cadre, je serais très ravi et honoré si vous accepteriez de bien
vouloir répondre aux questions jointes pour publication en tant que
Politologue et sociologue marocain résidant en France depuis les années de plomb

QUESTIONS
1 - Comment appréciez vous le règne de Mohamed VI jusqu'à présent?
2 - Quelles sont ses grandes défaillances à vos yeux?
3 - Comment voyez vous l'avenir du règne du roi Mohamed VI?
Si vous êtes d'accord de répondre prière de bien vouloir joindre votre
photo avec les réponses
N.B: les réponses seront publiées en ARABE la semaine prochaine
En attendant veuillez agréer mes sentiment les plus respectueux
Je vous serai très reconnaissant si vous pouvez me faire parvenir l'email
de personnalités françaises ou marocaines susceptibles de s'intéresser à cette  problématique
Cordialement
Driss Ould El Kabla
Rédacteur en chef d' »ALMICHAAL » (journal indépendant)

 

Mohamed Souhaili 
19 mai 2008 11:41
À driss

Salut , voisci les réponses:

1- Comme la plus part des observateurs honnêtes, mon regard est à la fois favorable et

 critique:

favorable parce que dès son intronisation , le Souverain a accompli des actes forts en réponse aux attentes légitimes de tous .Il s'agit d'abord de ce geste d'une extrême importance que constitue sa visite de" réconciliation " avec les habitants du Rif.Il y a eu aussi le limogeage de Driss Basri ,ancien homme fort du régime d'Hassan II que les services français ,mefiants envers toute armée arabe ,voulaient le voir maintenu pour aider le nouveau Souverain à gérer ce qu'ils considèrent comme la menace islamiste ,et du coup garder les militaires hors du champ politique. Il y a eu également une série de mesures positives d'ordre humanitaire mais qui restent insuffisantes au vu des deux imperatifs stratégique majeurs que represente la nécessité de réformes institutionnelles adéquates et l'édification d'un authentique Etat de Droit.

2-Pour schematiser              Un manque d 'autorité ,mais le maintien d'un Makhzen ultra-autoritaire .C'est cependant ,l'inverse qui permettrait au Royaume d'évoluer vers une Monarchie à l'Espagnole.Cela ne veut pas dire un Makhzen affaibli mais place sous contrôle d un gouvernement effecient agissant a son tour sous le contrôle d un parlement legitimé par les urnes
Une autre préoccupation: Le rôle marginal ,voire confidentiel de la diplomatie marocaine sur la scène internationale. D'ailleurs ,le trône semble hésiter à s'affranchir d'une encombrante tutelle française qui lui assure une protection trés conditionnelle :Il convient de constater ces manipulations médiatiques à l'instar de ces campagnes de presse occasionnelles ,orchestrées à Paris ,notamment en faveur de Driss Basri ,et parfois contre la personne du Roi , parce qu'il s'était appuyé sur les généraux Benslimane et Kadiri pour se débarasser du ministre de l'interieur des années de plomb.

 Il y a ,aussi , ces mandats d'arrêts internationaux lancés contre les chefs de l'armée marocaine par le juge Ramaël par ailleurs très sélectif dans l'audition des témoins dans l'Affaire Ben Barka ,et surtout étrangement muet sur la responsabilité de deux Etats directement impliqués, la France et Israël . Or , tant que le trône restera tributaire de la volonté de Paris , aucune politique de développement et d'indépendance nationale digne de ce nom ne sera possible .

3- Je pense que dans le contexte actuel , l'institution monarchique en tant que telle ne souffre d'aucun fléau d'instabilité apparent ,il n'est pas de même pour l'avenir personnel du Roi ,car nous savons que des services occidentaux réfléchissent à l'éventualité d'une rupture .A ce stade ,(la réflexion) cela me paraît normal  ;Mais quand on passe à l'action par le biais de journalistes pour instrumentaliser l'affaire Ben Barka ,alors que les protagonistes français et israéliens ne sont nullement embêtés, alors cela devient de l'ingérence pure . L'avenir du règne de Mohammed VI  dépend aussi de la capacité du Monarque à adopter une ligne rigoureuse d'indépendance nationale.

M.Souhaili
 

C’était en 2008. Le journaliste qui m’avait interviewé par téléphone du Maroc n’a plus jamais donné de ses nouvelles et je ne sais toujours pas si l’entretien a été publié ou pas, car on n’a rarement accès à la presse arabe ici en France. Il m’appartient néanmoins de constater que mes propos étaient prémonitoires et ont dû nourrir la réflexion au plus haut niveau. Force nous est également de constater que ces propos ont été tenus trois ans avant les Printemps arabes qui ont également touché le Maroc. Interrogé par des amis politiques en Europe dont l’écrivain Suisse Jean Ziegler, j’avais fait savoir ma non-participation et mis en garde contre certains aspects du mouvement en cours au Maroc en signalant bientôt son essoufflement. J’avais toutefois affirmé que le roi allait présenter des projets de réformes importantes. 
    Pour être précis, je savais comment les islamistes radicaux étaient lourdement présents associés objectivement (mais temporairement) à des gauchistes francophones, des anciens des lycées Lyautey et Descartes connus pour leur allégeance inconditionnelle au concept sociétal occidental. Toutefois, des troupes de notre mouvance historique (les étudiants marocains de la base, des associations de chômeurs diplômés…) figuraient parmi les manifestants responsables.
    Dans l’interview de 2008, je déplorais l’absence d’ambition diplomatique au Maroc. Aujourd’hui le royaume est devenu un leader régional reconnu. Des experts allemands m’ont personnellement signalé les progrès économiques accomplis et une certaine Grandeur retrouvée, sans oublier évidemment ce retour spectaculaire en Afrique. Toujours selon ces experts étrangers, que je connais personnellement, les droits de la Femme marocaine qui ne constituent pas une cause nationale sont de plus en plus affirmés sous l’impulsion d’un Mohamed VI ayant décidemment quelques années d’avance sur la société marocaine et les partis politiques. Je ne puis que me réjouir de cette évolution qui me console et me rassure que mon combat et mon sacrifice pour le Maroc et la liberté n’ont pas été vains.
MS 
2 juillet 2022 

 

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